Dès le début du XXe siècle, quelques artistes avant-gardistes, animés par un esprit d’aventure ou par une volonté subversive, ont procédé à l’élargissement du cercle des matériaux artistiques. Ils ont par là même contribué à l’inversion des hiérarchies esthétiques et au brouillage des partages entre le réel et la représentation, tels Picasso qui introduit dans la Nature morte à la chaise cannée (1912) un morceau de toile cirée, Duchamp qui « baptise » ready-made de simples objets usuels (1913-15), ou encore Schwitters qui compose des assemblages de menus débris et déchets (1919). Depuis, bien des artistes se sont inscrits dans leur sillage, révélant toute la puissance poétique des objets trouvés ou de seconde main, sublimant des matériaux dits pauvres, et dénonçant souvent, du même geste, les excès de la société de consommation (Rauschenberg, Nouveaux réalistes, représentants de l’Arte povera ou de la New British Sculpture ...).

Détournement, recyclage, réemploi sont des termes désormais usités pour désigner des pratiques artistiques qui, en une époque placée sous le signe de la crise écologique et du réchauffement climatique, en appellent à un autre usage du monde et de ses ressources, mais ne laissent d’explorer les infinies possibilités formelles, visuelles et symboliques de la matière.

Les sept artistes sélectionnés dans le cadre de l’exposition « Towards a second life. Métamorphoses des matériaux » montrent, chacun à leur manière, que le faire artistique peut être un re-faire ou un «faire-avec», par quoi il faut entendre non l’aveu d’une résignation mais la célébration d’un incessant renouvellement. Leurs réalisations exposées dans des lieux passants de l’université de Pau sauront, sans nul doute, surprendre par la subtilité des transmutations qu’elles opèrent et interpeller par leur dimension humoristique, sensible tout autant que spéculative.

 

Sabine Forero Mendoza

Commissaire de l’exposition